Les chercheurs ont identifié les restes de deux garçons qui avaient été enterrés dans un terrain de la tristement célèbre maison de redressement Dozier, en Floride (USA).
Ce jeudi 25 septembre 2014, l’équipe des scientifiques de l’Université de Sud Floride ont annoncé avoir formellement identifié les corps de Thomas Varnadoe (13 ans lors de sa mort) et d’Earl Wilson (12 ans), tous deux décédés lors de leur internement à la Arthur G. Dozier School for Boys de Marianna. Les scientifiques ont été aidés par le personnel du Laboratoire des Personnes Disparues du Centre des Sciences de la Santé de l’Université du Nord Texas.
Cela fait donc trois des cinquante-cinq corps retirés du sous-sol des terrains de la Dozier School qui ont retrouvé un nom. En août dernier, les chercheurs avaient déjà identifié George Owen Smith.
Thomas Varnadoe (dans le cercle sur la photo, prise en famille bien avant son internement) est mort en 1934, un mois après son arrivée à l’école, officiellement emporté par une pneumonie. Earl Wilson a été battu à mort en 1944 dans un local agricole de la Dozier School, connu sous le nom de « sweat box » (la boîte à sueur, en photo). Quatre autres garçons du centre ont été reconnus coupables de sa mort.
Glen Varnadoe, le neveu de Thomas, a assisté à une conférence de presse ce jeudi. Il y a expliqué que le frère de Thomas, c’est-à-dire son propre père, avait lui aussi fait un séjour dans la maison de redressement, et que la question a longtemps taraudé toute sa famille. Ils voulaient savoir de quoi Thomas était vraiment mort, et où il avait été enterré. Ils voulaient aussi le ré-inhumer près des siens, loin des terres souillées par les atrocités de la Dozier School.
Son père, Richard Varnadoe, n’a jamais cru à l’explication officielle de la mort par pneumonie. Il avait cinq ans quand son grand frère a été envoyé au centre après avoir été accusé d’avoir volé une machine à écrire. C’est Richard, aujourd’hui âgé de 85 ans, qui a donné son ADN pour qu’on identifie le corps de Thomas, retrouvé dans un cercueil en bois simple.
Les archives de l’école ne font état que de 31 inhumations entre 1900 et 2011. Elles sont manifestement tronquées : les chercheurs de l’Université de Sud Floride ont déjà déterré 55 corps lors de leurs campagnes de fouilles entre septembre et décembre 2013…
En 2008, les scellés ont été mis sur l’école par le Département de la Justice des Mineurs de l’état de Floride. Plusieurs anciens pensionnaires de l’école avaient dénoncé les horreurs qu’ils avaient subies ou dont ils avaient été témoins.
L’école avait ouvert le 1er janvier 1900 sous le nom d’École de Redressement de l’État de Floride (Florida State Reform School). Elle occupait un vaste terrain de 700 hectares à la sortie de la petite ville de Marianna. Dès 1901, on savait que des garçons y étaient parfois enchaînés à des murs, fouettés avec brutalité, réduits en « servitude non consentie ».
Au plus fort de l’activité du centre, dans les années 1960, la Dozier School accueillait quelque 500 garçons enfermés là pour des motifs parfois bénins : vol à l’étalage, fugue, larcins divers dont certains n’étaient même pas prouvés.
Neuf familles d’anciens pensionnaires ont donné treize échantillons d’ADN, dans l’espoir qu’on identifie leurs proches.
Trois corps identifiés sur cinquante-cinq, auxquels il faut ajouter un nombre inconnu d’autres corps dont la sépulture n’a pas été retrouvée – il n’est même pas sûr qu’ils aient été enterrés sur le site de l’école. L’enquête ne fait que commencer, a expliqué le sénateur Bill Nelson.
L’identification des corps de ces trois malheureux permet à leurs familles de pouvoir enfin les réunir aux leurs, dans un caveau familial. L’enquête permet aussi de vérifier un certain nombre d’accusations portées par les survivants de la Dozier School for Boys, et interpelle quant à la passivité ou la complicité des autorités locales et de la justice pour mineurs de l’état de Floride pendant toutes les années où ces atrocités ont été perpétrées.
Mais au-delà du deuil enfin clos et de la judiciarisation de l’affaire, il convient de se souvenir que c’est au moment des crimes qu’il faut agir, et pas quatre-vingts après. Si quelqu’un avait agi dans les années 1930 et 1940, Thomas Varnadoe, Earl Wilson, George Owen Smith et des dizaines d’autres gars ne seraient peut-être pas morts avant que d’avoir vécu, quoi qu'ils aient fait avant leur internement.
En son temps, Qôhèlet en aurait peut-être tiré un proverbe.
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