Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le livre d'heures de Dom Bosco
  • : Commentaires au hasard des actualités, par un père et ses jeunes fils qui vont chercher l'info au lieu d'absorber passivement celle qu'on leur sert.
  • Contact

Recherche

Archives

24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 02:00

Yao JiaxinUne affaire de chasse à l'homme sur le Net a défrayé la chronique en Chine pendant plusieurs semaines.

Le 20 octobre 2010 peu après 22h, une jeune femme de 26 ans nommée Zhang Miao quittait son travail d’assistante cuisinière à la cantine du campus Chang’an de l’Université du Nord-Ouest dans la ville de Xi’an, en Chine. D’origine paysanne et n’ayant qu’un contrat à durée déterminée, elle se déplaçait à vélo.
 
Elle n’est jamais arrivée chez elle : une Chevrolet Cruze conduite par un étudiant l’a percutée et l’a faite tomber. Le conducteur, Yao Jiaxin (photo), était en troisième année de conservatoire. Doué pour le piano, il passait pour un étudiant modèle, et donnait des cours de musique à des enfants pendant son temps libre. Ses parents, ravis d’avoir un fils aussi méritant, lui avaient acheté (d’occasion) la Chevrolet quatre mois avant le drame « pour le remercier de sa conduite exemplaire », d’après ses camarades de conservatoire. En fait, ses parents, qui ne sont pas spécialement riches, la lui avaient achetée parce qu’ils s’inquiétaient de voir leur fils finir ses journées tard dans la nuit et devoir rentrer chez lui à pied.
 
Mais ce soir-là, l’étudiant modèle a commis l’irréparable : descendant de voiture pour constater les dégâts, il a pris peur. La jeune femme à terre était pauvre, elle venait de la campagne, elle n’avait qu’un vélo pour rentrer chez elle en pleine nuit, tandis que lui était issu d’une famille plus aisée et roulait dans une voiture américaine. Il s’est dit qu’en cas de procès tout se liguerait contre lui. Elle était consciente, elle avait lu le numéro d’immatriculation de la Chevrolet, et peut-être allait-elle porter plainte. Alors, au lieu de lui porter secours, il l’a poignardée à huit reprises et il l’a tuée pour qu’elle ne parle pas.
 
Zhang Miao est morte d’hémorragie, sur le trottoir. Le geste de Yao Jiaxin ne lui a toutefois servi à rien. Cherchant à fuir en voiture, il a heurté deux passants et a été vu par plusieurs témoins. Quand la police l’a interrogé le 22 octobre, il a nié être l’auteur du meurtre. Mais dès le lendemain, accompagné de ses parents, il s’est constitué prisonnier. Dans sa déposition, il a expliqué son geste par la peur d’un procès.
 
Ce procès s’est ouvert au Tribunal Populaire Intermédiaire de Xi’an le jeudi 24 mars. À genou et en pleurs, Yao Jiaxin a demandé pardon au mari et au tout jeune fils (âgé de deux ans) de sa victime. Les policiers l’ont forcé à se relever, puis ils ont du le soutenir parce qu’il ne tenait pas debout. La scène, filmée et photographiée par les nombreux journalistes présents à l’audience, était difficilement soutenable.
 
Yao Jiaxin 2
 
Mais en dehors du prétoire, une cabale s’est montée contre lui sur les blogs. Son nom est resté plusieurs jours en tête des mots clés recherchés sur le site Baidu. Les internautes écrivaient que ses parents allaient user de leurs relations pour obtenir la clémence du tribunal, son geste était présenté comme un crime froid, sans passion, inhumain. On demandait sa mort avec insistance. L’affaire Yao Jiaxin est rapidement devenue une affaire nationale.
 
Ses camarades de conservatoire ont essayé de plaider sa cause, le décrivant comme un garçon tranquille et un pianiste prometteur. Ils n’ont réussi qu’à l’enfoncer : « comment peut-on faire aussi peu de cas de la vie humaine et dire qu’on aime la musique ? » a-t-on pu lire sur les blogs. On y a même appelé au boycott du conservatoire dont les étudiants avaient cherché à aider un assassin.
 
Au procès, son avocat a plaidé les circonstances atténuantes, avançant que son client s’était rendu de lui-même, qu’il était conscient de l’extrême gravité de son acte et qu’il le regrettait. Il a expliqué que son client était de caractère instable et influençable, qu’il était sous pression pour ne pas décevoir ses parents, qu’il avait commis son geste son le coup de la panique. Il a essayé de calmer la vindicte populaire en expliquant que son client n’était ni le fils d’un parvenu, ni celui d’un fonctionnaire haut placé – deux archétypes qui s’attirent les foudres de la foule et des bloggeurs, d’habitude.
 
Rien n’y fit. Au terme d’un procès de quatre semaines, Yao Jiaxin a été condamné à mort le vendredi 22 avril. Le tribunal a également prononcé la révocation à vie de ses droits civiques et l’a condamné à payer 45 498,50 yuans (environ 4 800 euros) de dommages et intérêts à la famille de sa victime.
 
Yao Jiaxin n’a pas encore décidé s’il allait faire appel. Il dit avoir besoin d’un peu de temps avant de prendre une telle décision. Peut-être a-t-il peur des réactions de la foule des bloggeurs s’il avait annoncé son intention de le faire immédiatement après l’énoncé du verdict. Peut-être aussi sait-il qu’il n’a pratiquement aucune chance de voir adoucir la sentence dans le code pénal chinois. Peut-être accepte-t-il la sentence.
 

Liens : autres articles sur des sujets analogues

Partager cet article
Repost0

commentaires