Reniant ses accords antérieurs et au prix de quelques mensonges, la Chine commence l'exploitation du gisement pétrolier sino-japonais de Shibaraka / Chunxiao.
Les installations offshore que les Chinois ont construites sur le champ pétrolifère de Shibaraka, revendiqué à la fois par la Chine et le Japon, sont désormais opérationnelles, et ce en contradiction flagrante avec les accords préliminaires passés entre les deux pays.
« Nous avons déjà équipé le gisement de Chunxiao (nom chinois de Shibaraka) qui a atteint le stade de la production » a déclaré Song Enlai, chargé d’audit de la China National Offshore Oil Corp (CNOOC). « Le pétrole coule déjà. »
Pourtant, le Japon et la Chine avaient signé un accord de développement conjoint de ce gisement, et s’apprêtaient à démarrer les négociations en vue d’un traité définitif. Les travaux menés en parallèle par les Chinois vont à l’encontre de ces démarches.
Song Enlai, membre du Congrès National Populaire de Chine, avait auparavant été secrétaire de la commission du Parti auprès de le Nanhai West Corp. de la CNOOC (les entreprises d’état chinoises ont toutes deux directions, l’une relevant d’un ministère de tutelle et l’autre nommée par le Parti).
Le gisement pétrolifère en question est assis sur la ligne médiane entre la Chine et le Japon, que le Japon considère comme la limite de sa Zone Économique Exclusive (conformément à la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer). La Chine dénie au Japon l’application du droit international et prétend unilatéralement que la limite entre sa ZEE et celle du Japon est située trop à l’est.
« C’est une région contestée (avec le Japon). Nous pouvons coopérer, mais le champ pétrolifère est à l’intérieur de notre territoire » déclare Song Enlai. Le Japon « fait souvent de l’ingérence, mais nous avons déjà commencé les travaux. » Comme cela est joliment dit...
Cette déclaration de la CNOOC aura probablement des conséquences sur les pourparlers entre les deux pays. Le Ministre chinois des Affaires Étrangères, Yang Jiechi, profitant de la démission de son homologue japonais, a exprimé lors d’une conférence de presse lundi dernier sa volonté de démarrer les négociations sur un traité de développement conjoint avec le Japon.
Au moment de cette déclaration, Beijing savait parfaitement que ses installations étaient déjà pratiquement opérationnelles. La duplicité du ministre chinois a soulevé une vague d’indignation au Japon.
En juin 2008, les deux pays s’étaient entendus pour que les Japonais puissent exploiter une partie du gisement. Mais la Chine n’a jamais ratifié l’accord. Il a fallu attendre la visite du président chinois Wen Jibao au Japon en mai 2010 pour que la Chine s’engage à démarrer des négociations en vue d’un traité définitif.
Suite à la brouille diplomatique déclenchée par l’abordage de deux patrouilleurs japonais par un chalutier chinois entré illégalement dans les eaux des îles Senkaku en septembre 2010, Beijing avait annoncé qu’elle annulait les négociations.
Peu après, il avait été signalé que la Chine avait transporté sur le champ de Shibaraka des équipements qui ressemblaient à du matériel de forage. La Chine avait expliqué que la Chine ne faisait là qu’exercer son droit de souveraineté et d’administration du champ pétrolifère, et que ses activités étaient pleinement licites. Mais Pékin avait nié avoir entrepris des forages, expliquant que le matériel ne devait servir qu’à réparer les plates-formes déjà en place.
Song Enlai a déclaré que la CNOOC avait également fait pression sur le gouvernement chinois depuis trois ans pour obtenir un feu vert pour une industrialisation agressive des champs pétrolifères en Mer de Chine Méridionale. Beijing dispute la souveraineté de ces champs au Vietnam, aux Philippines et à d’autres états de la région.
Le gouvernement chinois n’a pas encore annoncé le début de son avancée en Mer de Chine Méridionale, mais Song Enlai dit que la CNOOC y est fin prête : « Nous ne manquons ni des technologies ni des fonds. »
Si quelqu’un avait encore des doutes sur les intentions hégémoniques de la Chine sur l’Asie maritime, il devrait maintenant les avoir perdues. La diplomatie chinoise montre son vrai visage : derrière les déclarations lénifiantes de volonté pacifiste, la Chine met le monde devant le fait accompli et pousse ses pions en dépossédant ses voisins. Elle veut bien discuter, négocier, mais à condition qu’on accepte d’abord toutes ses prétentions, ce qui est une façon de dire qu’elle veut bien discuter mais à condition qu’il n’y ait plus rien à négocier.
Le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam, les Philippines, Brunei, l’Indonésie et Taiwan l’ont bien compris et s’inquiètent de l’augmentation régulière du budget chinois de la défense, qui a encore crû de 12,75% cette année. Ils s’inquiètent aussi de la montée en puissance de la marine de guerre de la Chine, et des intrusions de plus en plus fréquentes et appuyées par des patrouilleurs gouvernementaux dans les zones économiques et les zones de pêche des pays voisins.
Certains vont même jusqu'à dire que les incidents maritimes entre la Chine et le Japon ou les Philippines sont délibérément montés, puis instrumentés en rodomontades offusquées, afin de fournir à Pékin de bonnes raisons de dénoncer tous les accords dont la Chine entend s'affranchir.
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