Le jeudi 10 octobre 2013, une manifestation a dégénéré dans les rues de Phnom Penh, au Cambodge : 300 moines bouddhistes et représentants d’une cinquantaine de communautés s’étaient réunis devant le temple du Wat Phnom, portant des t-shirts sur lesquels on pouvait lire (en langue khmère) « Coordination des pauvres urbains et ruraux », pour protester contre l’octroi de nouvelles concessions immobilières par le gouvernement à des compagnies industrielles. Ces concessions aboutissent à l’expulsion de leurs terres des pauvres gens qui y vivent.
La manifestation s’est heurtée aux forces de l’ordre, et la confrontation a dégénéré en violences, la police prétextant que la manifestation avait été interdite. Les boucliers de plexiglas, les grenades lacrymogènes et les matraques ont servi à faire passer l’interdiction dans les faits.
Pour Chea Naret, représentante de la communauté du quartier de Boeung Kak (qui a été expropriée et relogée à 40km du centre-ville de Phnom Penh), « Si le gouvernement veut favoriser le développement, il devrait le faire d’une manière qui ne nuise pas aux citoyens. » Elle pense que tous les Cambodgiens devraient avoir les mêmes droits, indépendamment de leur condition sociale.
Duch Chantha, évincé de sa maison de Dey Krahom il y a cinq ans, explique que le gouvernement a sciemment favorisé l’accaparement de terres, laissant des familles entières sans toit et expédiant leurs enfants dans des écoles situées à des kilomètres de leurs familles, ce qui a conduit à déscolariser ces enfants et à les enfermer dans la perpétuation de la condition miséreuse de leurs parents.
Jeudi, la police a expliqué que l’interdiction de la manifestation était une « mesure de protection ». L’argument laisse Duch Chantha perplexe : « Protéger quoi ? Ils sont venus nous asperger de gaz lacrymogènes et nous tirer dessus. Exactement comme le jour où les bulldozers sont venus détruire nos maisons. »
Jeudi, la confrontation a commencé par une guéguerre des décibels entre les 300 manifestants et les 200 policiers. Les premiers criaient leurs slogans, les seconds essayaient de les couvrir à l’aide de mégaphones.
Un des officiers de la police a expliqué dans son mégaphone que « Toutes les personnes et les organisations présentent ne respectent jamais les lois et sont source d’anarchie dans Phnom Penh. Le gouvernement n’a pas étouffé vos droits, et aujourd’hui vous avez beaucoup trop de droits. Le gouvernement crée toujours le bonheur et la sécurité. »
Vers 10h du matin, les manifestants se sont mis en marche vers l’Hôtel de Ville pour y remettre une pétition des communautés et des ONG contre les accaparements de terres, mais la police leur a barré la route.
Comme les manifestants essayaient de se frayer un chemin à travers le mur des boucliers anti-émeutes (photo), cinq personnes ont été légèrement blessées.
Aucun des blessés n’a été hospitalisé, ce qui signifie qu’ils ont été soignés par des moyens traditionnels et que leurs blessures n’étaient pas susceptibles d’entraîner des complications.
Après de brèves négociations, le personnel de l’Hôtel de Ville a accepté que cinq représentants des manifestants aillent leur remettre leur pétition.
Les dernières élections ont affaibli le pouvoir du premier ministre Hun Sen, en montrant qu’une opposition lui était possible au Cambodge. Depuis, on constate une crispation du régime et une augmentation de la répression policière, même contre des manifestations qui ne risquent pas de faire tomber le gouvernement.
Il faut dire que le premier ministre Hun Sen, ex-officier des Khmers rouges aujourd'hui fervent thuriféraire de la Chine communiste, s'y entend en démocratie.