Au terme de cinq années d’enquête, l’Institut de la Mémoire Nationale polonais (IPN en abrégé pour Instytut Pamięci Narodowej) n’a trouvé aucune preuve qu’une conspiration ait abouti à la mort du général Władysław Eugeniusz Sikorski, mort dans le crash de son avion le 4 juillet 1943.
L’enquête s’est penchée sur les circonstances de l’accident du quadrimoteur qui devait ramener ce jour-là le général et d’autres personnes de Gibraltar à Londres. Elle n’a trouvé aucune preuve de sabotage.
Le général Sikorski (photo), que l’on appelle parfois le De Gaulle polonais, était le chef du gouvernement polonais en exil à Londres.
Dans son résumé d’enquête publié le lundi 30 décembre 2013, l’IPN conclut qu’il n’existe « aucun doute raisonnable » sur le fait que le général soit monté vivant dans l’avion. En 2008, au début de l’enquête, les restes du général avaient été exhumés pour une autopsie qui n’a trouvé aucun élément permettant d’attester que le général avait été assassiné avant le décollage de l’avion.
L’IPN conclut également qu’aucun élément ne vient infirmer les conclusions de l’enquête britannique de 1943 sur les raisons du crash. Selon ces premières investigations, les commandes de vol de l’avion s’étaient bloquées. Mais l’IPN n’exclut aucune hypothèse : l’institut explique qu’il n’a « pas trouvé suffisamment de preuves pour confirmer ni réfuter » les nombreuses théories selon lesquelles le blocage des commandes de vol était le résultat d’un sabotage.
Au fil des ans, diverses hypothèses ont été échafaudées sur cet accident tombé à point nommé. Elles ont tour à tour accusé les Soviétiques, les Britanniques et des factions polonaises opposées à Sikorski.
Le crash a eu lieu peu après que le gouvernement polonais en exil avait rompu ses relations avec l’Union Soviétique de Staline. Le général Sikorski avait demandé une enquête de la Croix Rouge sur le massacre de Katyn, découvert par les Nazis et perpétré par les Soviétiques contre les officiers polonais détenus en Russie. Staline avait essayé d’imposer l’idée que le massacre était l’œuvre des Allemands (ce n’est qu’en 1990 que l’URSS a admis que ses agents en portaient la responsabilité directe).
L’ambassadeur de Pologne à Londres, Edward Raczynski, avait noté dans son journal, peu après le crash : « Cette catastrophe, survenue à un tournant de la guerre, au moment même où se prépare apparemment une rencontre entre les Trois Grands et où des décisions capitales sur le point d’être prises exigeraient qu’on nous consulte, est un mauvais coup de la Providence. À tel point que, un peu partout dans le monde, des Polonais soupçonnent l’œuvre non de la Providence mais d’un ennemi félon. »
Certaines de ces théories conspirationnistes pointent du doigt les Soviétiques. D’autres accusent les Britanniques, qui auraient éliminé le général pour plaire à leur allié soviétique. D’autres encore mettent en exergue les dissensions entre le général Sikorski et le général Władysław Anders et avancent que Sikorski aurait été éliminé par une clique de militaires fidèles à Anders.
Dans l’accident, quatre des cinq membres de l’équipage de l’avion et onze passagers étaient morts. Parmi eux se trouvaient deux parlementaires britanniques dont l’un était Victor Cazalet, officier de liaison britannique auprès du général Sikorski et parrain d’une des filles de Winston Churchill.
La propre fille du général Sikorski figurait aussi parmi les victimes du crash. Son corps n’a jamais été retrouvé par les plongeurs qui ont examiné l’épave, et il a été raconté qu’on l’avait vue plusieurs années après, prisonnière dans un camp de travail soviétique, ce qui a alimenté une partie de la théorie d’un complot ourdi par les soviétiques. Mais l’IPN – peu suspect de complaisance envers la Russie – n’a trouvé aucune preuve étayant cette théorie.
Le mystère Sikorski reste entier - à moins que ce n'en soit pas un.