La Corée du Sud a donné à la Corée du Nord la somme astronomique de 2,98 milliards de dollars entre 1998 et 2008 sous les gouvernements de Kim Dae Jung et de Roh Moo Yyun, selon un communiqué gouvernemental de Séoul daté du jeudi 1er décembre. Cela représente 50% de plus que l’aide accordée par la Chine sur la même période (1,9 milliards de dollars).
La somme donnée par Séoul comprend 1,84 milliards de contrats commerciaux, 544,23 millions payés au titre de voyages au centre touristique du Mont Kumgang, 450 millions payés pour l’organisation d’un sommet intercoréen, 41,31 millions de dollars pour la location à bail et les salaires du personnel nord-coréen du complexe industriel de Kaesong et 30,03 millions versés au titre de plusieurs programmes sociaux ou culturels.
Pendant ce même temps, la Corée du Nord a dépensé 500 à 600 millions de dollars pour développer des missiles à longue portée et 800 à 900 millions pour se doter d’armes atomiques. Les anciens dirigeants sud-coréens ont beau exclure que l’argent versé par Séoul ait pu être affecté à ces dépenses, il les a en tout cas aidées en relaxant les contraintes budgétaires du régime de Pyongyang.
Il reste également des cas où les deniers sud-coréens n’ont manifestement pas été employés comme prévu. En avril 2007, la Corée du Sud a donné 400 000 $ pour construire un centre de vidéoconférence pour aider les familles séparées par la guerre de 1950-53 à se retrouver ; la Corée du Nord n’a toujours pas commencé sa construction, et il se peut que l’argent ait été purement et simplement extorqué.
« La Corée du Nord demandait de l’argent pour n’importe quoi » selon un ancien responsable du ministère de la réunification. « Nous avions l’impression qu’elle cherchait à utiliser le programme de réunion des familles séparées par la guerre pour faire de l’argent. Pyongyang avait ainsi exigé une taxe de 1000$ pour chaque vidéoconférence, en plus de tout le matériel de prise de vue et de transmission de données prévu par l’accord de 2007. »
Un audit de l’Assemblée Nationale sud-coréenne a établi que la Corée du Nord avait également mis à contribution les chaînes de télévision de Séoul. Par exemple, KBS a donné 870 millions de dollars pour l’enregistrement puis la diffusion d’un concours de chant organisé à Pyongyang en 2003 pour célébrer l’anniversaire du Jour de la Libération. En 2005, SBS a versé 600 millions de dollars en liquide et 175 millions de fournitures diverses pour le concert que le chanteur sud-coréen Cho Yong Pil a donné à Pyongyang. En 2002, MBC a donné 280 millions de dollars et 5000 postes de télévision à l’occasion des deux concerts donnés à Pyongyang par Lee Mi Ja et par Yoon Do Hyun.
La Corée du Nord a également perçu des sommes considérables d’argent de la part de sociétés et d’associations sud-coréennes, tantôt officiellement mais tantôt sous la table. « Beaucoup de propriétaires d’entreprises du Sud rencontrent des problèmes de gestion de leurs succursales parce que les autorités nord-coréennes exigent beaucoup d’argent » dit Cho Bong Hyun, un chercheur au centre d’études économiques de la Banque Industrielle de Corée, ce qui semble suggérer que des pots-de-vin considérables ont été payés. Le propriétaire sud-coréen d’une usine de vêtements installée à Pyongyang le déclare : « Les pots-de-vin versés par les Sud-Coréens ne servaient d’abord qu’à régler des problèmes au cas par cas. Ils sont ensuite devenus systématiques. Une fois que les officiels nord-coréens ont goûté à l’argent, ils prennent l’habitude de parler corruption en préalable à toute discussion. »
Les sommes ainsi détournées par les autorités nord-coréennes sont impossibles à chiffrer. Leur utilisation n’est pas plus claire, bien qu’il semble probable que cet argent se soit retrouvé dans leurs poches et pas dans celles de l’état.
Les récentes affaires du Chon An puis de Yeonpyeong vont pousser le gouvernement de Séoul à revoir son programme d’aides à Pyongyang et à mieux contrôler l’emploi des fonds – s’il en reste…